Antonín Dvořák

Chaque mois, le Compositeur du Mois vous propose de partir à la découverte de l’histoire de la musique classique en compagnie de ceux qui l’ont faite et la font encore, c’est-à-dire des plus grands compositeurs d’hier et d’aujourd’hui. Dans ces interviews fictives, ils nous parlent de leur vie, de leur œuvre, et nous permettent ainsi de mieux comprendre le contexte dans lequel ils ont contribué à l’édifice musical mondial.

Ce mois-ci, nous recevons Antonín Dvořák dans nos bureaux, qui pour l’occasion vous a préparé une sélection de partitions gratuites de ses plus grands titres à récupérer dans votre application Newzik. N’hésitez pas à la télécharger entièrement, ou choisissez vos morceaux favoris dans le corps de l’article.

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Compositeur du mois : Antonín Dvořák

J’ai composé plus de 180 oeuvres. Je suis reconnu comme le plus grand compositeur tchèque de mon époque. Alors pourquoi ai-je toujours cette goutte de sueur qui me traverse le dos ? Pourquoi mes mains tremblent-elles ? Nous sommes le 31 mars 1901. Je regarde ma montre. Dans quelques minutes seulement, mon opéra Rusalka, retentira.

J’observe les musiciens avec attention. Mes yeux s’attardent sur un des violonistes qui, les paupières closes, profite de ces dernières minutes de répit pour se concentrer. Comme pour fuir ma propre appréhension, la vue du violon me renvoie des années en arrière, sur les bords de la Vtalva, à Nelahozeves.

C’est dans ce petit village au nord de Prague que je suis né. Mes parents tenaient une boucherie-auberge. Mon père était musicien amateur, mais ce n’est pas vraiment lui qui m’a transmis cette passion. Lui voulait que je reprenne la boucherie familiale. Même si je commençai le violon très jeune avec l’instituteur du village, mes connaissances en musique ne dépassaient pas ce que je pratiquais à l’église et aux bals de l’auberge. Ainsi mon père m’envoya étudier l’allemand dans des villes voisines, langue indispensable à l’exercice d’une activité commerciale. Cela ne me plaisait guère.

Mes anciens professeurs ayant certainement déjà remarqué mon penchant pour la musique me poussèrent à poursuivre une carrière dans ce domaine et parvinrent à convaincre mon père de me laisser faire. A l’âge de seize ans, à l’automne 1857, j’intégrai l’école d’orgue de Prague.

Deux ans plus tard j’obtenais mon diplôme, comme deuxième meilleur élève. Après avoir passé du temps à jouer dans bars et brasseries, je me fis altiste pour les représentations d’opéras au Théâtre provisoire. Ce fut ce qui lança ma carrière, pour deux raisons. La première est que la fosse de ce théâtre devint rapidement une sorte d’école de composition. J’y appris énormément sur la musique et sa création. La deuxième raison est que ce théâtre fut aussi le lieu de ma rencontre avec Bedrich Smetana.

Je lui vouais une admiration presque sans limite. Il me prit sous son aile, me forma et devint un de mes plus grands amis. Ami, mais aussi allié car c’est lui qui me fit connaître dans les milieux artistiques et culturels de Prague.

Danses Slaves

Antonín Dvořák écrivit les Danses Slaves en 1878. À cette époque il venait de se rapprocher de l’éditeur Simrock qui lui commande ces danses. Ne sachant par où commencer, Dvořák prit comme modèle les Danses Hongroises de Brahms. Seulement comme modèle, car les deux oeuvres n’ont finalement pas grand chose en commun. Par exemple, Brahms se basa sur de vraies mélodies typiques hongroises alors que Dvořák ne prit que des rythmiques à la musique traditionnelle slave - les mélodies étant entièrement les siennes. Cette oeuvre eut un succès tel que Simrock en commanda une deuxième série en 1878 (Danses Slaves, op.72).

Les Danses Slaves sont constituées de huit morceaux basés sur des rythmes de danses populaires. Par exemple, la première est une furiant, soit une danse tchèque très énergique. Cette première danse ressemble d’ailleurs à un passage typique de La Fiancée Vendue de Bedrich Smetana. La deuxième danse est une dumka ukrainienne, la troisième une polka tchèque et la quatrième une sousedska tchèque.

Ces pièces sont typiques du style de Dvořák. En effet, ce qui est tout à fait notable dans cette composition est qu’à aucun moment Dvořák ne “cite” la musique traditionnelle slave, mais lui fait honneur, évoque son style et son esprit en utilisant des formules rythmiques et structurelles propres à cette musique. Cela témoigne encore une fois de l’incroyable maîtrise et de l’identité artistique et personnelle d’Antonín Dvořák.

Les premières notes de Rusalka retentissent. Ce petit motif de violoncelle aussi espiègle que mystérieux. Puis cette envolée lyrique des cordes. Tout se passe à merveille pour l’instant. Sur ce motif des cordes je me revois penché sur mon bureau, gribouillant des notes sur une portée. J’étais très souvent insatisfait de mon travail et il n’était pas rare que je jetasse des mouvements entiers à la poubelle.

Pendant longtemps je composais en secret. Je n’étais jamais content de mes créations, et peut-être me fallait-il le temps de construire mon propre style. Ma musique était soumise à beaucoup d’influences, parfois même contraires ! Un peu de romantisme allemand, saupoudré de l’esthétique nouvelle de Lizst et Wagner, avec un arôme de langue et de tradition tchèque et, évidemment, le tout agrémenté du gigantisme de Smetana. Ce mélange - hasardeux, je vous l’accorde - donna naissance à la sonorité unique de ma musique.

Durant ces années je composai ma cantate patriotique Hymnus qui fut créée en 1873 et me permit d’obtenir la reconnaissance du milieu culturel de Prague. Ce soutien me donna des ailes. Je quittai mon poste d’altiste pour devenir l’organiste de l’église Saint-Adalbert à Prague afin de pouvoir me consacrer davantage à la composition. Peu après, je me mariai à Anna Cermakova. Il est difficile pour moi de l’admettre, mais c’est le coeur serré que je me liai à Anna. En réalité c’était de sa soeur, Josefina, que je m’étais épris, mais celle-ci en préféra un autre.

Pièces Romantiques

Les Pièces Romantiques de Dvořák furent écrites en janvier 1887 et créées le 30 mars de la même année à Prague. Elles sont composées de quatre morceaux qui sont en réalité des arrangements de ses Miniatures, un trio pour violons et alto. Il n’y a pas grande différence entre les deux, si ce n’est quatre mesures additionnelles dans le troisième mouvement et une petite refonte harmonique des mesures 30 à 36 du premier mouvement.

Le premier mouvement, bien qu’au tempo rapide, est relativement calme. Ce n’est que vers le milieu du mouvement qu’il devient s’emplit de passion. Le deuxième mouvement, lui, est très optimiste, avec des variations harmoniques relativement simples. On y retrouve, comme souvent chez Dvořák, des influences de musique traditionnelle slave. Le troisième mouvement pourrait être qualifié de rêveur, alors que le quatrième est certainement celui qui vous demandera le plus de travail !

Les dernières notes de l’acte I de Rusalka retentissent. Les cuivres remplissent la salle d’une héroïque cadence soutenue par de furieuses cymbales.

Silence.

L’acte II s’ouvre sur un audacieux thème des cuivres, repris par les cordes menant à l’entrée dramatique du ténor. Cette mélodie aventureuse me renvoie quelques années en arrière, au véritable décollage de ma carrière.

Après avoir acquis une certaine notoriété publique, en 1875, je présentai ma Symphonie n°3 à un concours afin de gagner une subvention. Vivant dans une pauvreté confondante, l’obtention de cette subvention me fit beaucoup de bien, en plus de me faire remarquer par Johannes Brahms qui était alors membre du jury.

Devenu mon ami, je lui envoyai treize Chants Moraves en 1878, qu’il confia à son éditeur. Cela étendit ma notoriété à travers toute l’Europe. Vous pourriez penser que ce succès rendit cette époque de ma vie heureuse, pourtant, ce fut loin d’être le cas.

Le 21 septembre 1875, Josefa, ma fille nouveau-née, meurt. Le 13 août 1877, ma fille Ruzena meurt. Le 8 septembre 1877, mon fils aîné, Otokar, meurt également. On dit que les plus belles oeuvres sont écrites dans le malheur : en 1877 j’achève mon Stabat Mater. Il y a un morceau de moi dans cette oeuvre. C’est elle qui, en quelques années, me fit acquérir une notoriété internationale. Intercontinentale même.

Puis tout s’accélèra : dès 1884 j’effectuai des tournée au Royaume-Uni. J’étais destiné au métier de boucher. En 1892, on me fit venir en Amérique et on me nomma directeur du Conservatoire de New York.

Symphonie du Nouveau Monde

La Symphonie du Nouveau Monde est certainement l’oeuvre la plus connue de Dvořák, voire même une des symphonies les plus connues du monde. Elle est sa neuvième (et dernière) symphonie. Il la compose en 1893 et la crée en décembre de la même année par l’Orchestre Philharmonique de New York. Elle est nommée ainsi car elle s’inscrit dans la période de la vie de Dvořák durant laquelle il vit en Amérique.

Cette composition est tout à fait représentative de l’approche de Dvořák lorsqu’il s’agissait de créer. En effet, Dvořák s’inspire de la terre qu’il foule pour composer. Si dans la plupart de sa musique on entend résonner sa terre natale, dans cette symphonie on perçoit de lourdes influences de la musique américaine de l’époque. Par exemple, le troisième mouvement est inspiré d’une scène de fête dans le Chant de Hiawatha (poème épique de Henry Wadsworth Longfellow, symbolique de la littérature américaine) dans laquelle les Indiens dansent.

Le premier mouvement est d’une grande noblesse. On y retrouve un thème extrêmement connu et utilisé dans énormément d’oeuvres de culture populaire, grandiosement délivré par les cuivres. Le deuxième mouvement est, lui, certainement le plus beau de cette symphonie : le cor anglais développe un thème nostalgique repris par les cordes, puis un motif frémissant des flûtes et des hautbois, suivi d’une complainte des clarinettes rappelant les funérailles de Hiawatha et enfin, de manière très inattendue et coupant court à cette tristesse, le hautbois se lance dans un chant ramenant gaieté et fraîcheur au mouvement. Le troisième est un scherzo tout à fait traditionnel, inspiré de Hiawatha mais dans lequel on retrouve des influences du pays natal de Dvořák. Le mouvement final est divisé entre un thème combatif des cuivres et un thème lyrique de la clarinette repris par les cordes. Petit à petit, les motifs des mouvements précédents réapparaissent, s’affrontent, s’enlacent, pour que le tout s’achève dans l’apogée du thème initial.

La Symphonie du Nouveau Monde fait partie de ces oeuvres éternelles qu’on ne se lassera jamais d’écouter. Si vous tendez un petit peu l’oreille, vous verrez qu’en réalité elle est partout. Chez Gainsbourg comme dans Les Dents de la mer, dans des jeux-vidéos comme dans l’audioguide de la Statue de la Liberté (piste 203). Une oeuvre intemporelle qui n’a jamais aussi bien porté son nom : Neil Armstrong en emporta un enregistrement lors de la mission Apollo 11 en 1969 qui posa le premier homme sur la Lune.

L’Acte II de Rusalka laisse le public sans voix. J’observe attentivement les réactions. Il faut dire que cette partie de l’oeuvre est particulièrement dramatique. Rusalka est amoureuse d’un prince, le prince l’est d’une princesse étrangère. Dans un dernier élan d’espoir, Rusalka se jette dans les bras du prince, qui la rejette. Tout se joue sur une exceptionnelle envolée de la soprano Růžena Maturová, résolue par un orchestre fracassant. Tout le monde retient son souffle.

Silence.

Les premières notes du dernier acte retentissent. Un inquiétant tapis de cordes fait frissonner le public. J’aime beaucoup l’histoire de Rusalka. D’une part car elle me rappelle l’amour à sens unique que j’ai vécu avec Josefina, la soeur de ma femme. D’autre part car elle renvoie à une légende de mon pays natal.

J’ai toujours tenu à ce que ma musique fasse honneur à mon héritage culturel. Elle est traversée de ces rythmes pointés, de ces syncopes propres aux danses de la Bohême et de la Moravie. L’âme de ma nation, l’âme de mon peuple sont profondément ancrées dans mon langage artistique. Mes piqués dessinent les pointes du Château de Prague. Mes symphonies puisent leur puissance dans la beauté de l’église Saint-Barbe de Kutna Hora. Mes cadences ont la nature complexe du labyrinthe de Besedice.

Après deux ans en Amérique, je reviens à Prague, célèbre. Je suis alors enseignant au Conservatoire de Prague et continue la composition. C’est à ce moment que j’entame l’écriture de Rusalka.

Quatuor Américain

Dvořák écrit le Quatuor à cordes n°12 en fa majeur, dit “Américain”, durant l’été 1893 alors qu’il est encore aux États-Unis. Comme la Symphonie du Nouveau Monde, cette pièce de musique de chambre est une des plus connues de Dvořák. Elle évoque l’Amérique mais aussi l’Europe centrale car il l’écrit alors qu’il est dans la ville de Spillville dans l’Iowa, lieu peuplé d’une importante population tchèque.

Les quatre mouvements (Allegro ma non troppo, Lento, Molto vivace et Finale vivace ma non troppo) furent écrits en moins d’une semaine et la composition de l’ensemble ne prit pas plus de deux semaines. On peut ressentir dans cette oeuvre le mariage parfait de la musique américaine et tchèque. Les gammes pentatoniques du premier mouvement et le lyrisme rêveur du Lento apportent une indéniable lumière à cette pièce. A l’apogée du troisième mouvement, Dvořák reproduit le chant du Scarlet Tanager, une fauvette qu’il entendit dans son jardin.

L’éclatante beauté des dernières mesures rappelle que cette oeuvre est profondément marquée par la nostalgie du pays natal. Les tchèques présents dans cette région, pour la plupart agriculteurs, emprunts justement de cette nostalgie, allaient apprécier la musique de Dvořák à l’église, se remémorant ainsi les paysages de leur contrée natale.

Nous y voilà, le dernier morceau de l’Acte III. “Líbej mne, líbej, mír mi prej”. La cantatrice clame ces mots comme s’ils étaient les siens. “Embrasse-moi, embrasse-moi, que la paix soit sur moi”. Dans un élan final elle s’exclame “par ton amour, par ta beauté, mon destin est marqué” puis, le temps d’un crescendo majestueux, “que Dieu te bénisse, que Dieu te bénisse”. Dans le velour des cordes, l’opéra se termine calmement, comme apaisé.

Rusalka fut le dernier véritable succès d’Antonín Dvořák, et reste aujourd’hui une de ses oeuvres les plus célèbres. Il décède le 1er mai 1904, à l’âge de 62 ans. Il est enterré au cimetière Vyšehrad, comme son ami Smetana, sur une colline surplombant Prague. Il laisse derrière lui pas moins de 189 oeuvres. Sa musique est unique, colorée, rythmée. Il est un des rares compositeurs romantiques à avoir abordé avec succès tous les styles (à l’exception du ballet). Moins d’un mois avant sa mort, on lui rendit un dernier hommage lors du premier Festival de Musique Tchèque, dont le programme était presque entièrement consacré à son oeuvre. Des milliers de spectateurs vinrent acclamer sa Symphonie du Nouveau Monde. Il ne put y assister, malheureusement trop fatigué par la maladie.

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Aurel Beaumann

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